BRUINE APHORISTIQUE OU LES ETINCELLES FROIDES

par William Guyot,    

 

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LE DERNIER GUERILLERO par Didier Daeninckx
AU SOMMAIRE DU NUMERO 2
EDITO EN COURS D’EVEIL
A TEMPS CONTE
BRUINE APHORISTIQUE OU LES ETINCELLES FROIDES
DOSSIER SUR PANIQUE
LE SUPPLICE
BEEFSTEACK AZTEQUE
DESASTRE
PLACE CONGO


 

La pensée sarcle défriche touille gratte... Elle ôte les pansements et autres bandages, décolle soulève arrache les voiles au-dessous desquels le miasme, le pue marécageux, la pestilence filasse, gargouille et croit ; l’ondulante pensée barbote rigoureusement, gaillardement, simplement communément petitement, entre le psaume et la syntaxe à grosse caisse, elle est comme l’argent anesthésié, neutralisé presque, celui du peuple, ballotté entre Alan Greenspan et John Merriwether.
Aussi, à l’encontre de l’attente spectaculaire de la richesse - éruption de vomie - et de la non moins analogue pauvreté de la multitude, de cette puissance campée et myope, gueularde et dupe de tous les sens - il est bienvenue d’entendre et d’écouter la pensée horizontale, le son plastique jaillissant du ressort qui la projette, muse artésienne, miraculeuse et infernale, aussi, son terrible désespoir, terrorisme larvé...

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Cette photo livrant le visage de Schopenhauer... Deux puits perdus, vagues, à la dérive, écrasés dans le granit.

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L’euphémisation sirupeuse du vocabulaire par l’influence des gens de pouvoir est l’exacte et inverse contrecoup de la radicalisation brutale et médiée de leurs actions sauvages et mortelles.
L’aphorisme n’est pas une facilité, un succédané, une furtivité plaquée à la va-vite. Ici se concentre la totalité ramassée d’un mouvement recourbé vers le creux de lui-même, une spirale forgée artisanalement et dont l’intensité, livrée dans le chahut atone de la continuité, n’est que le signe et l’indice évanescent d’une fracassion imminente.

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Ce que la connexion de nos organes sait, en le subissant dans la lutte, c’est qu’il y a infiniment plus de sans-vie que de vie tout autour ; je veux dire la lune, les autres planètes et astres vers lesquels nous tendons notre regard, la musique des radios, la télévision et sa flore pourrissante, toute cette matière morte, physique et formelle, et puis ce gouffre, ce voile d’encre que rien ne soulève, l’espace sidéral et infini, d’un mouvement inertique. Le sentiment humain de perdition est la réaction à cette chape effroyable et les divagations de la pensée une nécessité scientifiquement dérisoire, comme une sorte de débandade de poudre, de craquement et d’arrachement, de poignard. Sinon, s’impose le primordial, les fréquentations, nos minuscules mais solide constructions d’amitié.

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Ai croisé, cet après-midi, un clochard. Il puait le sarcophage cultivée, l’urine noire et la crasse en strates ; une flopée d’exhalaisons, comme un essaim presque liquide, s’enfuyaient de ce monticule loqueteux, formant une odeur là. Mon nez ce jour me fournit une indication précieuse, l’exacte et odorifique pendant du dégout que m’inspire les ratés du vivant.

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Je vois, qui fuse comme un boulet de bombarde, une gigantesque boule de feu et de lumière qui fend le néant et s’écrase sur terre. Le monde se trouve soudain, un laps de temps incirconcis, auréolée d’une orbe blanche et indigo. Dans la seconde, l’incandescence s’estompe, plus rien. Il n’est pas un individu, suite à cette foudre divine, qui n’ait le visage brûlé et les traits à la semblance d’une lave figée. L’humanité, dans une laideur dévoilée, se meut dans une égale tonalité.

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La pitoyable troupe ragoteuse de mes amis aimés.

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Ta chemise et ton pantalon qui coûtent bonbon, sur lesquels la serveuse vient de renverser le petit déjeuner et qui, par la conjonction de ta hurlante et de l’acariâtre instinct des tenanciers, vont lui faire passer un sale quart d’heure, fous toi les au cul ! "La peur étend l’ombre de dieu sur le monde comme la robe de pension sur la nudité d’une adolescente vicieuse"(Bataille).

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Ce qu’il faut précisément offrir, par l’écrit, c’est une tonalité grave et hystérique, atmosphérique, qui rend incontournable et toujours présent au corps du lecteur le magma interne, ce brassement prêt de tout ensevelir ou de fuir derechef dans l’invisible puissance qui l’a propulsé, ce rire tragique et démesuré, qui oscille titanesquement entre l’imagination et la pointe extrême de la plume.

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Le rire côtoie l’infinité.

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La médiation entre la société humaine et les puissances de la nature, par l’entremise de la sphère technique, pour tous et chacun, est la possibilité d’un bonheur tranquille, d’une béatitude de ruminant, d’une harmonie concrète et continue que seuls les soubresauts de la nature pourront désordonner. Il n’est pas de directe médiation qui soit à réaliser plus imminemment, plus fermement.

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Sans l’urgence et l’appréhension tenace d’une rupture imminente, tout geste, et l’écriture en est, se vend.

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Par la poigne, faire s’échapper de soi une forme particulière de vent.L’écriture est le seul espace de liberté ; illusoire certes, mais sans compromis. Ici, tout doit saillir, promptement, comme un tic nerveux labourant la face d’un assassin.

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Vivre, écrire par cela, en tremblant ; vivre en tremblant.

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Tout ce que l’on veut prendre ou fixer, comme une anguille, glisse et s’échappe ; je tente de restituer ce glissement.

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Le temps pendu sur le monde gît dans l’éclat de la mièvrerie du monde ; le temps saisi où le fruit de la violence se pavane grassement, invisible, dans une juridique et grotesque absence au monde. Cette violence d’en haut est là sans se montrer, comme un souffle cancéreux dans le dos ; elle vrille les fibres nerveuses et touille maladivement mes tripes acides. Alors je cesse de respirer, pour écrire que je ne respire plus.

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Ouvrir et clore, dans une soudaine et terrible incandescence, pétrir une phrase comme la boucle massive et écrasante d’un roman dostoievskien.

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"Je rêve d’une langue dont les mots, comme des poings, fracasseraient des mâchoires..." (Cioran). Presque toujours, dans le jet neuf de l’exubérante euphorie, sans retouche, à même le torrentiel flux sanguin de ma stature enfiévré, je machine les oscillations de la plume de façon telle que je ne puis, bien malgré toute histoire, rien entendre.

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Le crachat, dans un mouvement dialectique, se situe entre l’invective et le coup de poing dans la gueule. Faiblesse de la dialectique : il est possible de recevoir un crachat ou de prendre un coup de poing dans la gueule sans invective préalable.

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Qu’aperçois-je donc chez cet homme ? Ce n’est pas un excès de lucidité, une conscience plus claire, mais un autre rythme, l’inclusion dans un mouvement plus vaste, une contemplation sidérale... non, en fait, l’action est ici réellement palpable, plus directe, un exemple sans voix, odorifique, qui montre et fait sans pipelettage.

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Je suis loin du monde et je devine le pourrissement d’une exsangue clarté ; je devine en dehors de la réalité, cette réalité quotidienne, à deux doigts de la mienne, saisie par le froid et inclinée dans la pluie. Je passe mon temps à me contempler, à contempler ce qui s’échappent de moi, fumerolles lascives qu’aucun courant ne vient troubler. Parfois, par besoin de fixer, je souffle sur ce flux qui s’éparpille, runes jetées au sol ; puis l’écriture et l’inconvenance de ne laisser intact les débris de cet instant.

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Merci à ceux qui me m’autorisent de rester seul en leur présence.

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Je vais bousculer la montagne, multiplier les soleils, faire pipi sur le crâne des croyances, flatuler au nez des envieux, pénétrer ton regard et caresser ta croupe, croquer du tendon et ruminer comme une vache, m’évanouir dans ton ventre, crier plus silencieusement que n’importe qui n’importe quoi, chier tout seul (faut pas pousser), m’évertuer à te dire qui faut rien dire, planter des choux des roses des carottes et moi-même, acheter du vent de Perse rien que du vent, et m’endormir seul avec toujours toi.

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Jusqu’ici et globalement, je ne sais pas vivre avec le sourire en coin et narguer mon insignifiance. Je ne suis que ce qui m’existe, comme un simulacre d’accouchement de femelle, sans sagesse, sans repos ni havre, créature que nulle douleur n’éventre sur l’aube incertaine. La vie va toujours au-delà de ce qui nous saisi, nous enivre ; elle est et prolifère, parce que médiocre comptable.

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Une lucidité transparente comme un morceau de verre qui me déchire la cervelle.

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L’écriture - pour moi qui cherche de front le mobile de mon égarement constant et, à coup sûr, manipulé du bas, tout autre chose - n’est qu’un résidu, une scorie infinitésimalement proche du mirifique zéro. Il faut vivre d’expérience qui marque surtout la mémoire des pieds, presque uniquement la plante des pieds...

L’abrupte et sans tergiversation dureté de la vie...

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(...)"quand les ondes concentriques dans un étang s’écartent du point où la pierre est tombée, s’éloignent et s’atténuent, en marche vers le calme, l’eau doit éprouver, quand ce calme est atteint, une sorte de frisson qui ne se propage plus dans sa matière mais dans son âme" ( Jean Genet).

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Que nul n’entre ici s’il n’est que géomètre.

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La matière, par l’animal, voit, entend, sent, touche et goutte ; en plus de tous cela, par ce mode grandiloquent qu’est l’humaine locusta, elle intuitionne sa souveraine vacuité.

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Quand il me faudrait, selon la sage opinion de ceux qui l’on toujours béante, généralement de toute urgence, me consacrer à autre chose, j’empoigne la plume. Il n’est que sur le bord de l’abîme, lorsque le sol s’effondre, que je reprends pied.

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Je cherche mon illusion, ma carotte.

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Lento, précautionneusement, voilà le rythme ; je me sens si proche de ces "détraqués" qui peuplent les asiles.

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Il y a dans la nature un double ressort qui tend à tout disloquer.

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Ces gens et œuvres que la cité, dans ses dératages, excrète ; ce tas fumant où l’esthète zéro tranche et sépare ce qui, par son physiologique et définitif égarement, lui apparaît comme digne d’estampillage ; ce consensus à la chaîne, ce lisse et lumineux fatras de maladive et superstitieuse obstination, clouant à son aune les pauvres gens contrefais, les lenteurs simples qui rythment les mouvements de la vieillesse, les cinq continents et les fatalités congénitales ; cette légion mécanique de censeurs plus dégueulasses par la masse qu’un quelconque détraqué ; cette inertie fruste tour-à-tour lâche et téméraire, cette passion atrophiée qui écrase comme une canicule monstrueuse, ce juge ordalique garant de la "norme"a priori... Quel ironique lot et quelle veule matière à penser.

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1984 de G. Orwell ou la délation comme principe moyen et fin d’un système.

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Chaque jour plus vieux, même par beau temps.

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J’éclate et m’éparpille dans le vocable, comme une volée de chevrotine.

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Je ne suis pas la méthode ou le concept, ni ne vogue au schème de celui qui écrit ; mais je me coule dans le rythme silencieux d’où tout est sorti.

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Pénurie de pétrole, panne d’électricité, manque sexuel, vacuité spirituelle. S’il y a tant d’alcooliques, c’est que l’alcool est ce dont probablement on peut le moins difficilement manquer. L’alcool est et a toujours été la résignation de l’humanité, l’ultime dont de la nature.

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Lorsque la nature et la société toutes deux nous dépravent, et puisque dieu n’est que l’ondulation d’un néant qui n’est lui-même que le sentiment figé et glacial d’une solitude et d’une incompréhension sans borne, qu’est-ce qui retient alors d’éclater prodigieusement dans le vide ?

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Pourrir dans le sol, parfois je me le dis, voilà le seul acte positif que l’homme puisse effectuer sur cette terre.

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Une grappe de vieux dépéris et guide le monde à la mesure de ce dépérissement ; non loin, quelques créatures à l’haleine putréfiée, aux canines propres et polies, d’ivoires...

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Tous mes propos sont d’artiste, puisards ontologiques.

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Depuis longtemps je me suis retourné et subsiste dans une sorte de somnambulisme tendu ; je rencontre et lis au hasard, me laisse effleurer par le mot, la fesse ou le mirage, n’aspirant simplement et grandiosement qu’à une sèche écriture ; ma mémoire est un terrain vague silencieux, comme les éclats et les couches successives d’un schiste brisé.

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Bruine limoneuse qui imbibe et enfle le brouillard, ternie et englue les glaives du soleil ; sempiternel ressac, au très loin, mouvement silencieux d’une vieille armée ; instance obscure qui émiette l’horizon : l’anxiété.

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Cette image cauchemardeuse ; ce tommy au faîte de la tranché, stoppé net par une balle, glissant mollement sur la terre, comme un étron dans les chiottes... oublié, comme la voix invisible et ministérielle, la prothèse galonnée qui lui intima d’y aller.

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L’incongruité diffuse d’être reconnu. Cette fille qui parle et parle et parle encore ; cette mitraillette à gros obus ; quelque chose en elle retient mon attention ; il me semble deviner, sous cette précipitation, l’effroyable silence immobile qui se tient en retrait et, au tréfonds de ce cloisonnement appris, déchirant la mutité du dedans, le rire tonitruant d’un typhon.

Il m’arrive parfois de demeurer, dans une contention suspendue, au-dessus de la feuille blanche ; je saisis, dans cet étirement de l’instant, l’intime sentiment de la communion que je renie.

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Si Nietzsche avait entendu Jimmy Hendrix, il n’aurait eu qu’un haussement d’épaules à l’encontre de Wagner ; Wagner n’a eu qu’un haussement d’épaules à l’encontre de Nietzsche...

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Je n’ai plus peur de perdre la mémoire, de ne pas posséder de grenier.

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J’attends ce moment où le peuple posera sa bouteille et son mégot ; j’attends la révolution.

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Quand la détresse d’elle ou de lui se manifeste, il faut changer de table.

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Les Français, pantouflards et sécularisés, maladivement.

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La technique a séparé, massacré plus d’hommes qu’elle n’en a relié (bien qu’il n’y ait pas naturellement d’inclination chez l’homme à être lié à l’autre, tout au moins plus durablement qu’une étreinte spirituellement mouillée)... mais l’espoir d’un monde équitable, d’où la violence sur l’autre serait bannie, ne peut résider que dans l’utilisation, l’expansion planétaire et adéquate de la technique.

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Hegel me fait l’effet d’une sorte d’instrument ; le plus peaufiné et indirect instrument philosophique, efficace et mécanique, huilé comme une culasse de Mauser.

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0 + 0 + 1 = 1 ; Chamberlain + Daladier + Hitler = Hitler ; Hitler = 5O OOO OOO.

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Avez-vous remarqué la grande multitude de nos semblables qui parlent en déambulant dans la rue ? A qui, où s’en vont ces pleines feuilles qui chutent sous leurs pas ?

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Je ne sais rien, rien, rien. Je dépeins cet eidos, sous toutes les coutures, dans la svelte bigarrure, le galimatias salvateur de la forme ; non pour persuader autrui mais, pour moi, ne l’oublier jamais.

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Le brouillard est notre fond et notre ciel.

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"Celui qui me qualifiera, qu’il prenne ma place, et il se taira"(Georges Perros)

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Fumées et vapeurs, lot quotidien.

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On voudrait parfois demeurer seul, mais pas dans une coquille ; que l’autre, tout le genre humain, ne soit plus, mais que la sagesse de son fardeau adoré, que le meilleur de lui subsiste et vivifie l’atmosphère. Math musculaire :
Une foule ombrageuse agglutinée et ceinturant une pelouse ; un ballon et 22 clones trépidant à haut voltage. Les automates se combinent et formes des structures géométriques mobiles et fuyantes amenant en un point stratégique la sphère malmenée afin, par la propulsion d’une culasse musculaire, de lui faire franchir la surface dressée d’un rectangle, à l’insu d’une tension nerveuse extatique.

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Un éléphant, au cirque, qui tue un dompteur lors d’une représentation, s’enfuit puis s’affale dans une rue aseptisée, devant des filles éplorées, épanchant le bitume de son imposance à présent perforé : l’absurdité.

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Je sens clairement et indiciblement, sous l’onde de l’écriture que j’aplanis, ce qui ne se laisse pas chopper et s’échappe de chaque mot, les étincelles du silex qui ne se mêlent pas à la flamme.

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Une rude et ferme finesse traverse les blocs monolithiques de la force brute : la femme.

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J’aimerais dire, longuement, quelque chose de prégnant et de léger, qui maintienne l’attention, captive et provoque de la joie ; écrire comme un fleuve, comme le cours d’un fleuve, avec des cascades comme des wagons de verre que l’on déverse ; j’aimerais être le fleuve qui transporte et charrie, qui touche, prend la forme use et modifie son lit ; me comporter apparaître et être comme le vent, devenir le vent, le frangin de l’eau ; me métamorphoser aussi en cette terre frottée et modelée par le vent et l’eau du fleuve ; encore et c’est le moins que mon imagination puisse faire, flotter comme cette bulle d’air et d’eau et qui, par le fleuve le vent et la terre, ne peut être que caressée ; à l’instant, j’aimerais être caressé... Par toute l’intense et exubérante joie de ce que je suis dans ces rares et éternels moments qui sont ce que je voudrais toujours être.

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J’attends, comme un soldat qui pressent la mitraille à venir.

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Ce qui m’étonne et me confond, c’est que j’ai presque utilisé toutes mes cartouches.
Un songe tenace et grisant ; c’est une petite pièce aux murs blancs où attend, assise sur une chaise, une jeune fille exsangue et déchirée de stupeur ; un homme au regard mort entre dans la pièce, un scalpel à la main ; il fait chaud, l’air tremble et vacille comme une flammèche au brassement du simoun ; l’homme pose l’instrument puis se lave méticuleusement les mains dans l’évier ; la donzelle bondit, se saisit prestement de l’objet et tranche la gorge du barbu qui s’affaisse, déifique monticule, son corps et sa croyance unis à présent, sacerdotalesquement.

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En Inde, des gens se séparent d’un de leurs reins et le vendent pour gagner un peu de quoi s’évader ; en Amérique du Sud, des enfants sont enlevés leurs yeux arrachés et livrés à l’offrande ; des reins et des yeux pour les spéculateurs d’occident, qui ne voient en leur espèce qu’un vaste stock de viande ; mais quelle peut donc être l’utilité de reins et d’yeux pour des créatures incurables sous toutes perspectives ? De plus, l’hygiène, sous toutes ses formes, étant ici, quant aux susdits paquets de chair, des plus déplorables et par là-même ne garantissant nullement du gain qualitatif des organes extorqués, il saute aux yeux que le procédé est à revoir. Les frustes scientifiques s’alliant dans la grève. Cela s’est-il déjà vu chez ces gougnafiers du contact humain ?

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Il faut palper notre autre ; une caresse, une accolade ou une certaine fermeté dans l’enroulement du bras autour des épaules, dans l’effleurement et l’idée de se fondre en lui ; la tentation du rut ou de l’étranglement ; d’autres réelles manifestations, dans cette filiation ; il faut toucher autrui, comme une aube partagée, un meurtre définitivement impossible.

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Embarbouiller l’acte dans l’idée, l’image, la posture ; la momification universelle, voilà tout l’occident. Pas de quoi en faire une leçon, non plus qu’une histoire.

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"On ne discute pas l’univers ; on l’exprime. Et la philosophie ne l’exprime pas"(Cioran)

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Ce que je dis est laissé aux vents, je ne formule et ne brandis nullement le matériaux de la durée, je ne suis atteint d’aucune forme de désespoir, conscient au plus bas ou plus haut point de mon presque inexistant passage, et étranger, glorieusement, à toute obsécration. Tout affairement d’autrui m’assombrit.

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Etudiants planqués larvés chaperonnés à coup de mille francs l’heure de chienlit. Myopathie arborescente, mutisme institutionnel. Merde ! mais ouvrez donc ce cul, articulez les sphincters de vos gueules crottées de silence. Quoi ! ? ! Mais bouge-toi donc, sac, fagot sec, rancœur sale de retenue pétrifiée, apprise, normalisée. Rigourise-toi sur s’qui t’botte bonne mort de bon dieu enterré ! Lâches, délestes le corps de ton cœur enserré, cries, hurles, plasmodies ton amas cellulaire, crèves ta carcasse, éructes ton squelette vendu presque déjà.

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Nous apprenons à partager nos solitudes, nos ennuis, sans Freud ni scalpel scientifique, avec la sensualité poétique et rude de notre écrasante et presque totale virtualité, les paysages et le corps havre cachot de la femme !

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Ce matin, triste mine de mon corps, de ma palpation aux choses, il pleut à détremper les atomes, à court-circuiter la fission.

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Le renoncement, comme un délicat voile de mariée, recouvre somptueusement notre monde endormi.

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Je fatigue d’étirer mon ego, on n’se r’produit pas.

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Si la fainéantise touche à l’essence de l’homme, il me semble que je devrais être le gouverneur de cette planète ; et si la rumination jugeait de notre nature, je serais le bovin du siècle.

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Tout approfondissement, creusement, peu devenir risque pour soi et pour autrui.

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Dormir de plus en plus...

 



William Guyot

Né le vendredi 13 avril 1970 à la maternité de Pompey. To be continued.

 




 

 

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