Extrait du journal de Gwénaël De Boodt
Nous redescendons de notre perchoir avec des ailes aux pieds
Lundi 16 juin 2003 - Lac de Constance


par Gwenael De Boodt,    

 

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... Nous redescendons de notre perchoir avec des ailes aux pieds. Nous n’avons pas le gouvernail en queue mais la boussole bien en main. Nous ne nous sommes pas fait gober le crâne comme un oeuf par la prise de bec matinale et nous nous orientons aujourd’hui comme des migrateurs confirmés. Les arbres de la forêt qui couvre la langue de terre entre l’Uberlingersee et la Gnadensee sont d’essences extrêmement variées. De magnifiques charmes aux larges palmes claires tendent leurs tamis impressionnistes aux larmes argentées des saules. Du nectar de ces pleurs, les chênes arrondissent les lobes de leurs feuilles que les noyers charnus viennent lécher de leurs pointes. Dans une prairie, une dizaine de chevaux lustrés trottent de concert comme s’ils répétaient une leçon apprise la veille avant d’entrer dans le manège.
Les portes basses des écuries qui suivent sont entrebâillées sur notre chemin, ayant livré leurs occupants au dressage de l’homme, lequel profite de l’autonomie de ses montures pour récurer les boxes et en changer la paille à tel point que la traditionnelle odeur de crottin ne flotte pas dans l’air. Quelques mètres plus loin, les vaches sont à une autre enseigne. On aperçoit, dans l’étable obscure, leur postérieur noir de bouse tandis qu’elles ruminent un foin humide et vert qu laisse penser qu’elles n’iront pas au champ de la journée malgré le temps ensoleillé. Une question de standing pousse sans doute les autochtones à agir de la sorte. Nous en trouverons confirmation quelques kilomètres plus tard lorsque nous serons éconduits du terrain de golf, où nous avions pénétré, sans que notre chasseresse ait expressément recours à l’interdit. Elle nous signale simplement que le chemin qui passe en dessous du terrain et longe le lac est beaucoup plus « shön » et tout aussi court que celui qui traverse le golf pour aboutir dans la forêt jusqu’au village de Walausen. Marion et moi insistons sur la longueur du chemin. Nous n’avons plus rien à manger et espérons arriver au village avant l’heure de la fermeture des magasins. « Shön, shön », insiste la réceptionniste du golf en nous indiquant l’entrée par laquelle elle veut que nous rebroussions chemin. Nonobstant le fait qu’elle consent à remplir l’une de nos gourdes d’eau potable (trinkwasser) son insistance contribue largement à lui faire gagner la partie. Nous n’irons donc pas promener nos culs bouseux et nos gueules hirsutes parmi le gazon lustré des golfmen aux gueules de luxe.
Effectivement « shön », le sentier côtier fait une véritable corniche à 100 mètres en aplomb du lac dans une végétation intouchable qui recèle des trésors de virginité. Par contre, il serpente à pic, en montée comme en descente et suit les contours tortueux du rivage. Parfois, une vue magnifique sur le lac nous trépane un instant du mal de pied et du désespoir d’arriver trop tard. Pourtant, nous sommes de justesse à l’heure où le magasin d’alimentation s’apprête à fermer ses portes sur des produits alimentaires 2 à 3 fois plus chers qu’ailleurs. Nous prenons de quoi déjeuner et descendons jusqu’au petit parc qui fait face aux pontons. Des navires un peu prétentieux de taille pour une si petite mer y sont amarrés, la plupart recouverts depuis le mât jusqu’à la poupe d’une immense bâche de protection contre les intempéries. Une fois par an, le yachtman déballe son bonbon pour aller faire un petit tour avec lui jusqu’au prochain rivage. Nous observons les auteurs du trafic tous casquettés à la dernière mode maritime, les femmes montrant des épaules d’hommes et les hommes des ventres gonflés de bière. Le capitaine du port, dans son bureau ultramoderne, remplit quelques fiches dont il a du mal à voir les rubriques par-dessus l’excroissance considérable de son ventre. Nous réquisitionnons deux bancs pour déjeuner puis faire la sieste comme deux bateaux de bois sur la mer d’huile méticuleusement entretenue du gazon.
L’après-midi, nous décidons de ne pas entrer dans Konstanz pour l’étape du soir. Nous plantons la tente à quelques kilomètres des premiers faubourgs, le plus loin possible des routes goudronnées qui pullulent malgré la difficulté des escarpements et qui sont livrées en pâture aux automobiles ainsi qu’aux piétons lesquels font acte de soumission en suivant la discipline des priorités réglées par la signalisation, discipline que nous n’observons toujours pas, Marion et moi depuis notre départ pour cette aventure et même bien avant. Nous nous endormons dans un immense pré fauché que le très grand orchestre des moustiques fait vibrer de son incroyable concert. »

Dessin Marion Derrien - 36.3 ko
Dessin Marion Derrien

 



Gwenael De Boodt

Les piétons de l’Europe
Je suis un Arpion céleste né en 65,vite chaussé de poèmes sous les ailes de l’Oiseau Noir, un grand canard vendu dans les rues de Rennes. Maitre ès-échasserie 10 ans durant sur la grande scène du pavé,je m’arrache bientot les plumes pour les tremper dans le jus canivellien du lyrisme.Je me fais l’apologue du Minotaure dans "Thésée aux iles ou l’Utopie Détroussée" (l’Harmattan), le manivellien de l’autopropulsion vélocyclopédique dans "Augustes Pédales" (inédit) puis je prends de la corne aux pieds pour mugir comme un fleuve contre la crue du Pactole en Europe. Voilà pour le moment : la carne comme l’écrit Philippe K.

 




 

 

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