Entretien panique
Alejandro Jodorowsky
Opéra panique


par Philippe Krebs,    

 

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Affiche du spectacle - 30.4 ko
Affiche du spectacle

1. Dans le Théâtre de la guérison, vous expliquiez que nous sommes tous possédés par notre arbre généalogique. Vous-même avez quitté le Chili, jetant votre carnet d’adresses à la mer et délaissant tout pour rejoindre la France. Vous retrouverez l’un de vos parents seulement de très nombreuses années plus tard. Quelle est la place d’Opéra Panique dans ce parcours ?

A 24 ans, j’ai réalisé l’acte héroïque d’abattre mon arbre généalogique. Je n’ai plus revu ma famille, oncles, tantes, cousins, grands-parents, sœur, mère et père. De tous ces êtres que je condamnais a l’oubli, seul reste en vie mon père qui, le mois prochain, aura 100 ans. Aucun lien véritable ne nous unit ; comme une graine orpheline j’ai fondé un nouvel arbre en me constituant la racine d’une nouvelle tradition : une tradition d’amour, de créativité, de collaboration familiale, de liberté, de joie. L’Opéra panique est l’aboutissement de cette idéal thérapeutique. Le public a pu voir une famille entière en train d’exprimer son plaisir créatif. Faire une œuvre collective, collaborer sans heurts, instaurer une démocratie émotionnelle où il n’y a pas de préférés et où l’amour permet de donner a chacun la tendresse différente qu’il mérite, où la guerre des générations est finie, où le père cesse d’être un indétrônable dictateur et devient un serviteur conscient... ça a été pour nous l’Opéra Panique, en dehors des conceptions artistiques.

2. Quels sont les points communs et les différences entre l’Opéra panique qui a lieu à Bobigny et les "éphémères paniques" du Centre Américain en 1962 ?

Un seul point commun : l’euphorie théâtrale. L’éphémère panique de 1962 était une recherche non littéraire, dans la liberté de l’improvisation et l’excès des moyens. L’Opéra panique est tout le contraire, la sobriété amenée jusqu’à l’extrême, avec le respect mathématique des textes, l’élimination des moyens, la création d’une mécanique implacable où les détails sont travaillés comme des bijoux. L’éphémère était de l’anti-théâtre. L’opéra est du théâtre essentiel.

3. et 4. Par rapport à Opéra panique et à toutes vos créations dans lesquelles s’inscrivent de grands schémas familiaux avec des histoires qui couvrent souvent plusieurs générations, à quels souvenirs de votre vie empruntez-vous ces canevas ? Aux séances de Tarot qui vous ont fait rencontrer une multitude de personnes ou plutôt à une sorte de mémoire collective dans laquelle s’inscrivent toutes les oeuvres de l’humanité ?

Ce ne sont pas des canevas. Ils s’apparentent au rêves lucides. Sommes-nous les créateurs de nos rêves ? Peut être sont-ils formés pas seulement par mes souvenirs mais aussi par les souvenirs des mes ancêtres, de mes consultants au Tarot, de la mémoire collective, de cette chose impensable que nous appelons divinité ? Je ne le sais pas. Ce que je sais est que chaque fois que j’écris je tombe en transe, un autre être me possède. Tout ce que j’ai fait ce n’est pas moi qui l’ai fait. Le mérite de mes oeuvres ne m’appartient pas. Leurs défauts, oui.

5. Comment expliquez-vous que les artistes paniques, Fernando Arrabal, Roland Topor et vous-même, soient les derniers descendants des grands artistes de la Renaissance, dans le sens où vous avez employé tous les médiums artistiques possibles (cinéma, musique, bande dessinée, roman, théâtre,...), en laissant du même coup une œuvre prolifique et folle derrière vous ?

Les artiste polyvalents comme Leonardo, Cocteau, Pasolini, Dali, ne sont pas des exceptions. Dans le futur les artistes seront polyvalents ou ne seront pas. Les nouvelles techniques produiront ça. Un "livre" sera à la fois littérature, cinéma, peinture, sculpture virtuelle, musique, jeu théâtral, bande dessinée, thérapie, etc. ; tout ça dans un même objet. Arrabal, Topor et moi, au lieu d’être les derniers, nous serons peut-être considérés comme des précurseurs de l’artiste multiple.

6. Enfin, quels sont vos projets actuels, notamment cinématographiques (nous avons entendu parler du Fils d’El Topo avec Sean Penn !) ?

On prépare le film ABELCAIN, avec Marilyn Manson. Le nom de Sean Penn a été proposé. Rien n’est définitif. Peut être on commencera à tourner en décembre. Si ça se fait, je prépare déjà un autre film, que j’ai écrit en collaboration avec mon fils Adan : KING-SHOT. Un film initiatique style gangsters.

Bien a vous :

Alejandro Jodorowsky.

Un autre entretien avec Alejandro Jodorowsky

 


Philippe Krebs

Né à Metz, Philippe a grandi avec son père (fondateur du centre Emmaüs de Forbach) dans une ambiance de soupe populaire. Il a en a gardé le sens des relations humaines et un profond respect de la différence. Éditeur de livres et revues d’art pendant dix ans , co-organisateur d’un festival nomade de performances poétiques (Teranova). Un temps spécialiste du groupe Panique (Topor, Arrabal et Jodorowsky). Acrobate professionnel pendant dix autres décennies, il décide en 2014, de remettre le bleu de chauffe pour aller peindre sur les routes, dans des sites abandonnés, mais aussi dans son atelier lyonnais, ainsi qu’un peu partout dans le monde (Europe, Afrique, Asie).

 




 

 

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