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Grisélidis Real
Quand on suçe un homme devant le miroir, ça le flatte


   

 

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Elle ne sort pas vraiment des Nuits de Restif de la Bretonne, c’est sa mère qui lui avait trouvé ce curieux prénom de Grisélidis dans un poème de Charles Perrault, où l’on parlait d’une jeune fille maudite que le prince rendait heureuse après tant de souffrances. Presque née d’un livre. Elle est là, ce matin, merveilleuse, à porter la cinquantaine dans ses alignements de bigoudis, ses tresses noires, de longs bracelets serpents-or et un petit corsage similipanthère. Chaque fois que je la vois, dans ce vieux quartier des Pâquis, à Genève, au milieu des bagarres et des petits julots, elle me passe des chants tziganes russes ou Salim Halali. Elle fait cliqueter un petit rideau cambodgien en perles de pailles, elle rit, chaloupe devant le miroir d’une plantureuse armoire Louis XVI, parle de son petit carnet de molesquine noire. Qu’elle garde secret près de son lit. Quelques indications très brèves sur les clients, les prix et les préférences, qu’elle feuillette à toute vitesse quand un type téléphone. Cette mémoire de la passe, elle me l’a confiée pour la première fois.

Jean-Luc Hennig

...Il y en a un qui revient toujours, malheureusement. Il reste des fois pendant trois heures. Il bandera pendant trois heures, mais il n’éjaculera jamais. Et moi, j’ai déjà tout essayé, les engueulades, la tendresse, la douceur, les encouragements, les crises de rage. Tout y a passé, mais il n’y a rien à faire, parce qu’il se cramponne à son autopunition. Vous voyez ce que je veux dire. D’ailleurs, ça je l’ai expliqué en détail là. Vous verrez, comme c’est par ordre alphabétique.

- Il s’appelle comment ?

-  Il s’appelle Daniel... Alors attendez que je regarde. Voilà : cas psychologique, il y a tout ça, vous voyez ? Tout ça. ça fait trois pages de mon carnet.

- Et votre carnet, c’était pass destiné à... C’était pour vous, c’était pratique ?

-  Ah ! mais c’est ma bible, moi je peux pas travailler sans ça !

- Vous ne pouvez pas travailler sans ça ?

-  Je vais vous expliquer : quand quelq’un téléphone "bonjour, je peux venir ?", je dis oui oui, qui c’est ? Bon, c’est Pierre, c’est René, c’est Roger, enfin bref. J’entends déjà à la voix, si... Et comme il arrive dans les trois minutes, parce que la cabine elle est en bas de la rue. Des fois, ils arrivent au pas de course, j’ai pas le temps de refermer le carnet, de la planquer, on sonne déjà à la porte. Alors, il faut savoir où vous en êtes, parce que sinon, il vous dira "bon, je te donne combien ?" Comme l’autre fois. Et puis des fois, il baissera de moitié. Et après vous avez un individu devant vous, il faudrait tout recommencer à zéro, c’est-à-dire faire une recherche sur son corps, où sont les points sensibles, s’il faut lui mettre un doigt dans le cul ou pas, s’il faut le sucer à gauche, à droite, devant, derrière. Enfin toutes les manoeuvres, elles seraient à rechercher. Et ça, ça prend du temps et on risque de faire des fausses manoeuvres, tandis que quand vous avez des indications minimum... ce petit carnet, il est petit, moi, j’ai pas un bouquin comme ça, j’ai pas le temps de lire beaucoup. C’est réduit au strict minimum, des indications techniques.

- Et Daniel ?

-  Eh bien, voilà. D’ailleurs, je l’ai marqué là. C’est un homme, il bandera pendant trois heures. Lui, il veut pas qu’on le brutalise. Il faut qu’on soit très gentille, très douce, comme une petite fille, comme si c’était deux gosses qui s’amusaient dans un buisson, comme des amours enfantines interdites, qu’il n’a pas vécues et qui sont restées comme une nostalgie en lui. Et puis en même temps qu’on le rassure, il faut quand même l’encourager. Et alors, je vous dis, le sperme monte dans sa queue, mais il redescend tout aussi sec. Parce que le type, il s’empêche de jouir. Parce que depuis tout petit on lui interdit de prendre du plaisir sexuel, alors il est resté sur cette interdiction. Mais c’est une angoisse épouvantable. Il souffre vraiment atrocement. Moi j’en ai pitié. C’est un homme charmant, intellectuel...

- Il y a des choses inattendues ?

-  Il y a des choses affreuses. Une fois, il y avait un monsieur un peu espagnol qui l’air tout simple, de rien du tout. Un ouvrier. Finalement, il arrivait pas. Alors, moi je le prends devant le miroir, je lui fais un petit cinéma. Quand on suce un homme devant un miroir, ça le flatte, la femme est à genoux devant lui, ça fait un peu antique, ça fait un peu adoration à l’antique. C’est très beau, il se voit nu avec une femme qui lui suce la queue, avec un jeu de glace, c’est splendide, alors ça les met en condition. Et comme c’est quand même fatiguant, c’est pénible d’être à genoux, moi, au bout d’un moment, je lui dis écoute, on va aller sur le lit, alors il faut espérer que ça va retomber tout de suite, et sur le lit, vous continuez plus à l’aise, c’est moins dur. Des fois, ça ne va pas, il faut leur mettre le doigt dans le cul... Ce monsieur avait des difficultés. Alors, moi je lui mets le doigt dans le cul avec de la vaseline, et puis, je sens la prostate qui se durcit, mais un peu bizarrement. Il y avait comme des anneaux. J’ai dit, tiens, c’est un peu anatomiquement spécial. Il a le droit d’être un peu spécial. Il m’avait dit, je peux tout faire. Ces ouvriers qui parlent mal le français, j’en ai conclu qu’il voulait éjaculer dans ma bouche. Je lui fais signe que oui. Je le travaillais, je le travaillais, dieu merci, ça bandait. Après j’ai senti qu’il montait quelque chose, j’ai dit, bon, c’est le final, le cheval sent l’écurie. Et puis, nom d’un chien, je me précpité au toilettes comme d’habitude et je crache, quoi ? la pisse. Alors, vous voyez, ça, c’est quand même pas correct. J’ai mis toute une journée à m’en remettre. Je me suis lavé six fois les dents, j’ai sucé des bonbons, j’ai bu du whisky. J’arrivais pass à oublier. Mentalement, j’avais toujours cette idée qu’on m’avait pissé dans la gueule sans me demander la permission. ça, c’est des choses qui ne se font pas. Alors celui-là, je le reprendrai plus jamais. Quel salaud alors, quand même !

- Vous avez déjà travaillé avec des garçons ?

-  Non, je ne l’ai jamais fait. Je me débrouille toute seule. Je n’ai même pas de journaux porno ni de photos. Une fois un mec est arrivé, il fouillait partout. T’as pas de journaux cochon, t’as pas des photos cochonnes, t’as pas ci, t’as pas ça ? J’ai dit, minute : à poil, tu poses tes habits là et là, parce que je veux pas qu’on les mélange avec les miens, je lui ai dit voilà, on va se laver, je l’ai essuyé, je l’ai ramené là, je lui ai dit, la photo, elle est là, je l’ai amené devant le miroir, je l’ai sucé comm d’habitude, il était très content. Je lui ai dit : "tu vois, c’est comme au cinéma, il y a pas besoin de photos". Il était très content. Il m’a remerciée en disant que c’était formidable. Il n’a plus jamais demandé de photos.

- Vous les lavez toujours avant ?

-  Avant et après. On découvre bien des choses. Il y en a qui ont des verrues, il y en a qui ont des pustules plus ou moins suintantes, il faut voir tout tout tout. Il y en a qui ont des hernies, il y en a qui ont des boules, on dirait que c’est le cancer. Il faut savoir avant à qui on a à faire.

- Il y a eu parfois des handicapés ?

-  Oui, il y en a qui viennent portés par un copain, avec deux béquilles, une jambe dans le plâtre. ça arrive.

- Il y a des types carrément qu’on transporte ?

-  Oui, qu’on porte en haut de l’escalier. Mais ce qu’il y a d’affreux avec ces gens handicapés ou infirmes, c’est qu’ils sont toujours très agressfis. Ils se sentent diminués, ils souffrent, ils ne se sentent pas comme les autres, ça les rend déjà enragés d’avance. Il faut d’abord les calmer, les cajoler, les rassurer. Vous voyez, c’est tout un art. La bonne pute doit travailler dans un minimum de temps. Mais que chaque geste, chaque parole, chaque sourire ait l’air de toujours prendre le maximum.

- De prendre le maximum ?

-  Oui. De temps. Une caresse, un geste, un sourire. On dirait que ce sourire va durer une heure, en réalité, il va durer trois secondes. Vous voyez, il faut jamais brusquer les gens. Il faut pas les laisser traîner non plus parce qu’après ça marche plus. C’est tout un art. Il faut qu’on ait l’impression qu’on les a presque aimés, qu’on les a soignés, qu’on les a adorés, qu’on les a caressés, qu’on les a fait partir, exploser, qu’ils sont totalement épanouis. C’est une impression. En fait ils ont vécu ça à un moment donné, mais en réalité c’est tout de l’illusion parce que, finalement, on les aime pas plus que ça. Mon dieu, on est content quand ils partent ! Ah, c’est terrible.

- C’est quoi le plus âgé de vos clients ?

-  Il y en a qui ont 80 ans passés.

- C’est pas vrai !

-  Ah oui, on croit toujours qu’ils vont vous claquer dans les bras. Il y en a quelques-uns, ils commencent à respirer difficilement. Vous vous dîtes, il faudrait pas que je prenne sur moi le cadavre. Tâchons au moins de ménager une porte de sortie, surtout si c’est un type qui pèse un certain poids, vous voulez pas vous trouver coincé sous un mort. On calcule toujours un peu avec ça. Il y en a, on a l’impression que c’est la dernière fois qu’ils baisent avant la tombe, et d’ailleurs, ils ne s’en cachent pas.

- Qu’est-ce qu’ils disent ?

-  "Ah, ma chérie, tu me rends la vie, grâce à toi, je me sens vivre. Le médecin m’avait interdit de faire l’amour, mais tu vois, t’es merveilleuse, tu m’as rendu la vie, tu m’as rendu la jeunesse, tu m’as rendu l’amour." Sous entendu, je ne suis pas encore claqué, mais c’était moins une.

- Vous commencez à quelle heure ?

-  A trois heures de l’après-midi. C’est déjà bien assez tôt. Il y en a qi arrivent à trois heures moins dix ou même à deux heures.

-Jusqu’à quelle heure ?

-  Jusqu’à quand j’en ai marre. Quand j’ai besoin d’argent pour payer les factures et qu’il y a des clients, il faut les prendre, autrement ça serait de la bêtise. Des fois, vous en avez jusqu’à deux ou trois heures du matin. En été, ça pourrait aller jusqu’à quatre heures. Il y a des femes qui sont acharnées au boulot. Moi, pas du totu. Moins j’en fais mieux c’est. Il vaut mieux en faire peu mais bien. C’est mon slogan. Ca ne sert à rien de travailler comme des brutes, après vous êtes complètement esquintée, il faut faire six mois d’hôpital, ou vous avez le cancer et vous crevez à 55 ans. C’est pas marrant. Il vaut mieux se ménager et aussi avoir une vie intellectuelle. Parce que sinon, on a l’impression d’être un dépotoir, d’être une machine à baiser. Le fric, on le dépense toujours assez vite. Moi la moitié de ce que je gagne, ça va pour la révolution pacifique, pour faire chier le monde, les brochures, les journaux, les meetings, la poésie. Ca coûte cher. Au moins, ça me fait plaisir. Le reste c’est pour moi.
Vous voyez. Je gagne de l’argent, mais cet argent, j’en fais ce que je veux. Si je veux acheter des journaux anarchistes, que j’en ai jusqu’au plafond, et les distribuer gratuitement aux gens, il y a plein de clients qui repartent avec d’énormes paquets de documentation sous le bras, de gré ou de force, tu vas lire ça, tu vas prendre ça. Je dis, tu le prends, tu le mets dans ton bureau, tu le mets chez toi, devant tes parents, devant tes copains et voilà. C’est la vérité sur les banques, sur la guerre, sur les tortures, sur les prisons.

- Vous leur donnez en plus une documentation ?

-  Je les oblige. Je leur dis, maintenant tuvas lire ça. Je leur lis devant eux.

- Ils vous trouvent pas un peu bizarre ?

-  Ah certainement ! C’est pour ça qu’ils reviennent, ça pique leur curiosité à vif. Ils y comprennent rien. Il y a eu des mecs qui m’ont dit : "ah ! t’as de la lecture !" On dirait que c’est un crime de lire. Oh là là ! Tout ça ! Je dis : c’est rien, il y en a encore plein à côté et il y a cinquante cartons à Paris, à la gare de l’Est. Parce que j’ai liquidé mon studio. Alors, ils voient ça et ils disent : oh ! tu as de drôles de lectures. Ils commencent à gueuler. Et je vois qu’ils hésitent à ouvrir leur braguette et ils se disent, cette bonne femme, elle est anarchiste, elle lit des lectures qui nous remettent nous en question, parce qu’on est des banquiers, des messieurs bien assis sur leurs capitaux et ça les fait chier. Moi je suis folle de joie d’avance. Je dis, attends mon coco, je vais bien t’enculer, je vais te sucer la queue, je vais te foutre deux ou trois gifles et en plus de ça, tu as le bouquin de Ziegler devant les yeux, c’est bien fait.

- Il y en a jamais qui sont partis de colère ?

-  Si, il y en a qui étaient fous de rage. A l’époque j’avais un texte contre le nucléaire. Un bonhomme est devenu tout rouge comme un homard, il a commencé à rugir dans ma cuisine, dans le couloir, dans la chambre en disant, le nucléaire, de toute façon, on y arrivera, il y a que ça de vrai, c’est la seule solution. Je le laissais gueuler, je le regardais, il devenait toujours de plus en plus enragé. Pour finir, j’ai dit, mais pas du tout, il y a d’autres solutions, il y a les énergies douces, on a pas tout essayé, ça viendra, de toute façon, ça sera les choses bien qui vont gagner. Il était fou de colère. Il a pas mal baisé, mais je ne l’ai jamais revu. Mais il y en a que je revois pas à cause de mes lectures et de mes articles qui sont au mur. Tant mieux. Ils ont qu’à aller réfléchir chez eux, se branler dans leurs chiottes.

- Il y a toujours des fleurs chez vous ?

-  Oui, si possible, ça m’aide un peu.

- Vous dites sans musique c’est dur ?

-  C’est dur. Quand vous avez un excellent jazz, c’est tellement merveilleux de sucer quelqu’un avec du rythme, moi ça m’arrange pour les fioritures. Quand vous avez un bon solo, après quand vous faites les fourmis japonaises, vous pouvez serrer les couilles en mesure, ça aide ! Après vous léchez, vous sucez, le type éjacule en musique.

- C’est quoi les fourmis japonaises ?

-  Ah ! ça c’est un truc à moi que j’ai inventé. (Rires). Vous avez la verge du type dans la gueuele d’un côté, vous appuyez à la base des couilles, vous tenez les couilles dans la main droite et vous serrez délicatement, vous exercez des pressions parce que ça stimule l’organisme de la main gauche, c’est-à-dire vous enduisez bien la verge de salive, il faut que ça glisse beaucoup. De la main gauche, vous faites les fourmis japonaises, c’est-à-dire que vous faites comme ça...

- Vous grattez ?

-  Surtout pas ! vous glissez. C’est comme des fourmis qui se promènent sur la queue près de la tête, vous descendez et vous remontez très délicatement en tournant un peu pour que ça soit bien enduit de salive et en même temps vous sucez, vous exercez des pressions délicates avec la main droite en bas. C’est tout un art. C’est pour ça, faut pas qu’on vienne nous dire qu’on est pas utiles, moi j’ai plusieurs clients qui m’ont dit : "mais personne au monde ne m’a fait ça aussi bien". Vous voyez qu’on est des grandes artistes, c’est comme jouer du piano ou de la harpe ou de la guitare, il faut avoir la technique.

- Pourquoi vous dites : ce petit carnet noir ça me venge ?

-  ça me venge, parce que quand vous avez souffert comme c’est pas possible quand il faut s’accrocher à leurs couilles jusqu’à ce qu’il sorte quelque chose pendant une heure, alors après, je leur donne le téléphone. Il y en a, je sais qu’ils reviendront, il y en a, je ne sais pas, alors j’attends qu’ils appellent pour être sûre, et à ce moment je les marque. Ils sont marqués de toute éternité.

-Au 2ème coup ?

-  Il y en a qui sont marqués tout de suite ? Quand je vois qu’ils risquent de revenir, et que c’est tellement difficile, il y a tellement de spécialités à faire, je les marque tout de suite parce qu’après, j’oublie. Moi, ça me venge. Quand j’ai le moral à zéro, je relis mon petit carnet noir et je ris toute seule. Je dis, voilà ils sont notés là-dedans, ils le savent pas. Je rigole ! je rigole !

- Depuis combien de temps vous le faites ?

-  ça fait deux ans.

- Vous vous êtes aperçue que c’était bien mieux maintenant ?

-  Non, mais j’ai eu cinquante ans cet été. Je perds la mémoire, dans ma vie, j’ai eu tellement de narcoses, de suicides ratés, de curetages, de tout ce qu’on veut, d’opérations, aux poumons, partout. J’ai plus du tout de mémoire, j’oublie tout, tout, tout. C’est un tel travail pour essayer de se souvenir des choses, c’est aide mémoire, c’est tout.

Entretien avec Jean-Luc Hennig publié dans la revue Le Fou parle n°11 - décembre 1979.

 

 




 

 

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