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Accueil Webzine Entretiens Le mercredi 8 février 2006 |
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Entretien au trait Les Invasions barbares de Rodolphe Raguccia par Philippe Krebs,
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Hermaphrodite vous invite à découvrir un dessinateur qui colle aux doigts... et aux yeux ! Rodolphe Raguccia est là. Vous le retrouverez désormais dans les pages de la revue Hermaphrodite plusieurs dessins au sommaire de la revue SF actuellement en vente . Philippe Krebs : Cher Rodolphe Raguccia, d’où vous vient cette passion pour ces petits monstres très sadiens et freudiens que vous dessinez à longueur de journée ? Le sexe est au coeur de vos dessins... Où se trouve le coeur de ce sexe ? Rodolphe Raguccia : J’ai toujours dessiné des personnages très sexués. Qui est Rodolphe Raguccia ? J’ai un cursus un peu compliqué. Ecole d’ingénieur à Nantes, puis agreg de Math parce que je ne voulais finalement pas travailler comme ingénieur et je voulais avoir du temps pour dessiner et pourquoi pas faire une école d’art. J’ai été prof pendant 7 ans, 6 à Paris dans divers Lycées plus ou moins intéressants. L’année où j’ai passé l’agreg, après l’écrit, je suis parti en vacances en attendant les résultats de l’admissibilité. Là, j’ai visité coup sur coup le festival des jardins de Chaumont sur Loire, les jardins de Villandry puis ceux du Manoir d’Eyrignac. J’ai découvert ce que pouvais signifier le paysage. Petit à petit, l’idée a fait son chemin dans ma tête et j’ai intégré l’Ecole Nationale Supérieur du Paysage de Versailles 3 ans après, tout en continuant à enseigner les maths en parallèle. Le paysage réunit le dessin, la projection dans le temps, la logique argumentaire mathématique et une vision politique du monde. Plus vraiment question pour moi de travailler sur des jardins privés, mais plutôt sur l’espace public, la ville et le territoire. Aujourd’hui, je suis en disponibilité depuis la rentrée 2003 et je travaille dans une agence. Je cherche à conserver deux têtes. Une pour le travail de paysagiste, tourné vers l’aménagement des espaces publics, l’autre pour le dessin, plus intime. Les deux se nourrissent et se répondent. Calaferte, Bataille ou Sade ? Aucun des trois, je ne suis pas très littéraire, plutôt cinéphile. Et dans le réalisateurs, le plus fort pour moi est Fassbinder. Ses films sont comme le feu qui glace. Une sorte d’extrême combustion charnelle, mêlée à une cérébralité glaçante et violente. J’ai fait tout une série de dessins en pensant à une de ses actrices favorite, Margit Cartenssen. L’élégance poussée jusqu’à l’embaumement. Aujourd’hui, Cronenberg avec Crash ou un réalisateur très physique comme Rohmer me fascinent. Cronenberg parce qu’il arrive à transformer en chair palpitante les émotions et dérives de la pensée(voir Vidéodrome) Rohmer parce qu’il dissèque les relations et les sensations, avec élégance, ironie et beaucoup d’incarnation. Dans la collectionneuse, l’été et le corps sont extrêmement présents, et le discours ultra intellectuel des deux hommes se heurte à l’animalité jouissive de la jeune fille.
Quels sont tes projets actuels ? Deux types de projet. Monter mon agence de paysage (d’ici un ou deux ans), et continuer à dessiner pour moi voire essayer de montrer un peu plus ce que je fais. Travailler sur des formats un peu plus grands (A3) et continuer mes carnets de voyage. Je sais que tu as fait des carnets de croquis de voyage. Peux-tu nous parler de ton rapport aux voyages ? Cet été j’ai été à Lisbonne et je n’ai rien pu dessiner de la ville, mais j’ai fait beaucoup de rencontres qui m’ont donné de l’énergie pour dessiner. Tout ce que j’ai fait là-bas tient dans un tout petit carnet, et chaque personne rencontrée y est, plus ou moins amputée et déchirée. C’est assez drôle de repenser aux gens quand je regarde ces dessins plutôt que des photos. Je me rappelle surtout de l’état d’esprit dans lequel j’étais. A Rio il y a deux ans, j’ai beaucoup dessiné la plage et l’excitation des dimensions.
Te positionnes-tu en tant que dessinateur ? Si oui, quel est ton positionnement graphique par rapport à ce qui existe déjà ? Je ne suis pas dessinateur, ce n’est pas mon métier. Je dessine comme on fait un journal intime, j’aimerais pas avoir une position esthétique mais sensitive, de ne pas chercher à terminer un dessin. Avant, je prenais beaucoup de temps à faire le dessin au crayon papier, puis lorsque le trait était correct, je repassais à l’encre et enfin je gommais les traces de tâtonnement. Maintenant, notamment grâce à la pratique du croquis sur le terrain acquise à l’école du paysage, je me lance direct, sans ébauche et le dessin se développe et se ramifie comme en temps réel. Dans tous les cas, je ne me reconnaît pas dans la BD ni ancienne ni contemporaine parce que je ne pense pas raconter une histoire avec une structure, une dramaturgie littéraire, (je n’ai pas la qualité de raconteur qui fait le bon auteur de BD) même si l’on me dit souvent que j’ai un trait qui « fait » BD. J’aime plutôt l’idée d’être pluridisciplinaire.
Influences ? Je ne sais pas trop, je n’y ai jamais réfléchi. Je pense plutôt à des sculpteurs comme Arp et Moore, mais je suis peut-être plus marqué par les revues porno et les magazines de mode. J’ai beaucoup dessiné à partir de deux revues pornos des années 70 que j’avais récupérées. Mes modèles et les poses étaient toutes tirées de mes trois quatre pages fétiches. J’avais l’impression de pas être très doué parce que j’étais obligé de copier les poses, mais j’ai appris que Picabia faisait la même chose à la fin de sa vie et ces toiles m’ont pas mal marqué. Maintenant j’imagine les position et je sais bien dessiner tous les organes sexuels. Tu dessines toujours au trait, en noir sur blanc... Est-ce par daltonisme pictural ou est-ce un choix revendiqué ? Je ne suis vraiment pas doué pour la couleur. J’aime le trait du dessin. C’est comme une écriture, comme un encéphalogramme. En suivant le trait dans l’ordre dans lequel je l’ai tracé, une histoire se construit, avec son rythme, ses accidents, ses erreurs et parfois des moments gracieux. Dans tel ou tel dessin, j’aime particulièrement un temps du dessin, telle chaussure, telle expression, une très belle courbe de sein ou une couille parfaite. Toute la série de dessin que je t’ai fait parvenir est en noir et blanc tranché aussi parce que c’est plus violent, sans demi mesure. C’est l’organisation des masses noires et blanches entre elles qui retranscrit une variété detons, un peu comme des pixels. Peux-tu nous faire cadeau d’un dessin sur mesure pour le site hermaphrodite ? Un autoportrait.
Qu’est-ce qui te touche dans tout ce que tu vois autour de toi de l’actualité de tes contemporains ? J’ai été prof jusqu’à il y a peu et j’ai la rage de voir que personne ne se rend bien compte que l’on se dirige vers un système de plus en plus inégalitaire. Je suis paysagiste depuis peu, et je travaille sur la construction de ville à venir. Comme dans la transmission aux ados quand j’étais prof, je me pose tous les jours la question de savoir quel monde veut-on, que souhaite-t’on construire ensemble, et comment moi tout seul j’agis pour cela.
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Né à Metz, Philippe a grandi avec son père (fondateur du centre Emmaüs de Forbach) dans une ambiance de soupe populaire. Il a en a gardé le sens des relations humaines et un profond respect de la différence. Éditeur de livres et revues d’art pendant dix ans , co-organisateur d’un festival nomade de performances poétiques (Teranova). Un temps spécialiste du groupe Panique (Topor, Arrabal et Jodorowsky). Acrobate professionnel pendant dix autres décennies, il décide en 2014, de remettre le bleu de chauffe pour aller peindre sur les routes, dans des sites abandonnés, mais aussi dans son atelier lyonnais, ainsi qu’un peu partout dans le monde (Europe, Afrique, Asie).
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