Quand les chiens parleront...
une critique du Chien par Alexandre Charlyn


   

 

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« - L’amour, c’est une protéine plus ou moins tenace. On a découvert ça en 2072. J’ai initié la réaction et maintenant elle synthétise en continu. Et je peux te dire que, pour elle, c’est particulièrement tenace. Bonne chance.

J’étais sans voix. Je me suis repris et j’ai crié à la gueule du pistolet :

Tu parles d’un cadeau ! Tu n’aurais pas pu plutôt me synthétiser trois mille litres de bière ? »

[J-MA in Le Chien a des choses à dire]

Ce livre est une plongée dans l’univers délirant d’un monde automatisé où petites et grandes guerres exhalent leurs senteurs d’apocalypse sur le fond d’une humanité en déclin mais, curieusement plus humaine que jamais.

Dans ces nouvelles courtes et denses, la voix est aussi tendre que la plume est sèche. C’est là l’un des pouvoirs de ce recueil qui déroule tout au long de ses pages, aussi bien la fresque de notre société techniquement progressiste et souffreteuse, que le portrait de l’humain perdu au milieu des paradoxes qu’elle engendre. Le monstrueux côtoie le merveilleux, lequel renferme toujours on ne sait trop quel nouveau genre de maléfice, tandis que sentiments ancestraux ne cessent de sourdre au fil de ces éclairs de vie si étrangement proches des nôtres. Le riche comme le pauvre, l’enfant ou l’adulte, le robot et le chien, tous nous racontent, tantôt le quotidien et tantôt sa dérive, avec cette même simplicité directe qui touche la fibre émotionnelle sans l’encombrer des poncifs de style intermédiaires que l’on pourrait trouver chez des auteurs plus classiques. L’effet est immédiat et le tempo soutenu. Il n’y a pas une ligne qui ne compte un rebondissement ni une intrigue qui soit, même de loin, attendue. En état de surprise permanent, qu’entrecoupe parfois un fou rire, le lecteur n’est pas là pour se remettre de ses vapeurs, il n’en a jamais le temps.

Le nouvelliste nous parle de choses très sérieuses sans se la raconter lui-même, tourne la mort en dérision avec jubilation, fabrique des créatures de rêve mais sans âme, cuisine de macabres repas ou fait couler des bains sanglants dont on sort repus voire amoureux et jette les chiens à la surface d’une terre aux zones désertées (ou presque) par les hommes...

à mi-chemin entre science-fiction d’anticipation, satire de société, poésie fantastique, et dans un climat résolument onirique, Agrati porte un regard à la fois désabusé et empathique sur notre système qu’il redessine à l’envi en miroir d’un XXIe siècle dont on ignore tout, exceptées les plaies qui balafrent déjà sa peau bonbon de nouveau-né. Imaginaire débridé, tendresse, cruauté, humour, rythme, Agrati est tout un univers et cet univers est, sans aucun doute, déjà le nôtre...

Un pur régal.

Le Chien a des choses à dire, 24 nouvelles de Jean-Marc Agrati, 264 p. 16 euros, Les éditions Hermaphrodite

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Source : Le Mague

En illustration, une couverture test du Chien non retenue au final

 

 




 

 

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