LA PETITE FILLE TRISTE

par Fauve,    

 

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Migraine épilogue

Ils me demandent d’écrire, de faire pleuvoir de la beauté, de danser, telle une sylphide apprivoisée, sur les cailloux tranchants des mots de la vie. Ils veulent des témoignages, me voir pleurer en vrai, toucher les giclées de sang autour de mon coeur avec leurs grosses mains moites.

Ils veulent que je leur montre où il est, là, exactement, mon méchant bobo. Un éclat bien lisse, bien mortel, planté dans la chair, c’est bon, ça stimule leur imagination, ça les change de la télé, du rose-noir bonbon des couvrantes des romans de cul et ça les change des flashes infos sport. Et merde ! Ce n’est pas comme ça que ça marche, non. Les yeux salés, l’abandon, et la tentation de mort, sont des affaires privées.

Surtout, ce qu’ils veulent, c’est ta chatte. Percer le mystère incommensurable de ton désir, ce désir qui ne leur ressemble pas, trop immense, trop haut, qui prend tellement son temps à éclore avant d’exploser en cascades orgasmiques, coulées de lave sur lèvres chaudes, alors que le crépuscule semblait déjà tombé sous le mouvement des corps... voilà que ton astre se lève, qui porte le visage du feu.

C’est de là qu’ils viennent. De ton incendie. Fleur charnelle, sanguine, palpitante. Pour elle, ils sont capables de tout. Tout lui donner. L’ivresse de leur langue, celle qui dévoile comme celle qui fouille, la chanteuse, la suceuse, le petit animal assoiffé et tremblant... Qu’y a-t-il à l’intérieur ? Plus loin ? Est-ce par le même chemin que plongent tes rêves dans leur mer de questions ?

Oui, la salive désinfecte. Les sécrétions aussi. La nature est bien faite et ses formes polies. Jusqu’aux entrailles, la machine tourne. C’est de la bonne came, faite pour résister à tout. Par surcroît, pour le charme, ses surfaces prennent le teint du soleil quand il souffle dessus.

Mais j’avais prié la nuit pour qu’elle m’engloutisse, jeté mes cris dans son ventre, visant surtout chacune de ses étoiles, ces petits yeux hagards auxquels elle semble tant tenir.

Mais rien n’a bougé. Rien n’a tremblé. Il y avait là un enfant dont le corps était en bois, qui me regardait d’un air amusé : « Est-ce que tu es une femme ? »

« Je suis une petite fille triste. »

Alors que je lui demandais s’il avait vraiment été taillé dans un pin, il se contenta de répondre d’une voix traversière : « Amusons-nous ! ». Coquille vide, écorce froide. Contre sa poitrine, j’entendais battre le silence creux des souvenirs de jeunesse d’un vieil homme. Rien de plus. Il me dit encore « Pourtant, tu ressembles bien à une femme. Et tu es plus belle que la lune. » Contre ma cuisse, je sentis quelque chose de dur qui s’allongeait. C’était son sexe. En écho, comme un bruit de porte qui grince. Arrête ! criai-je, tu vas me déchirer ! Cela le fit rire et sa branche continuait de pousser, et plus il riait et plus il s’étirait. Je me dégageai avec force et m’enfuyais vers la voûte noire du ciel reflétée au fond du lavabo.

Ils me demandent d’écrire, de déshabiller mes cauchemars... de déployer mes ailes d’ange sous les trombes d’eaux choyant. Ils veulent savoir comment c’est, sous ma jupe aux froufrous dentelés. Même dans ce qui fut ma vieille glace antique posée au sol contre un mur - au cadre non restauré - ils ont cherché mes mots, une image, un bout de papier plié glissé dans une fêlure, la trace d’une pensée laissée au rouge à lèvres... Mais ce qu’ils y trouvèrent les laissa fort perplexes.

Confortablement installé sur une pierre tombale dont le temps avait presque complètement effacé le nom, jouant aux osselets avec les vertèbres d’un singe, un pantin rigolard ne cessait de chanter.

Je te le jure, papa Gepetto. Je ne voulais pas casser la barbie. Je voulais juste voir si la tête s’enlevait. Un jour tu verras, papa, tu verras, je deviendrai un vrai petit garçon !

Et, absorbés dans la contemplation de ce hublot improbable, ils ne virent pas le crotale qui, descendu du canapé et glissant sur les lattes du plancher, s’approchait de leurs chaussures au rythme sourd et précipité du marteau piqueur.

 



Fauve

Fauve a dix-neuf ans depuis l’An de Grâce Mil Neuf cent quatre-vingt-onze. Elle écrit, gratte, respire dans un même petit cahier "clairefontaine" qui lui a été offert par une dame médium lors d’une rencontre karmique adolescente, lequel a la particularité de faire pousser ses pages tout seul au fur et à mesure des années sans jamais s’épuiser. Son meilleur ami est un python constrictor volé dans un parc animalier du Finistère. Le reptile étant radicalement sourd, il ne porte pas de nom. Entre deux failles temporelles, Fauve intervient dans les colonnes de certaines revues poétiques ou underground et fait des jolis dessins (spécial animation flash) pour les sites de ses copains et copines.

 




 

 

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