L’ART MOIGNON DE

Quentin Faucompré

Le vendredi 8 février 2008

Chaise

- A quand remonte ta rencontre avec l’objet dessiné ? et quelle est son importance dans ta vie ?

  Ayant évolué dans un univers familial extrêmement lié avec celui du théâtre, je pense que mon goût pour le dessin a été la traduction logique d’un désir de mettre en scène, de composer et de jouer avec les corps. Et puis le dessin permet avec des moyens très rudimentaire, un papier- un crayon, d’exprimer une idée La réponse à l’importance du dessin dans ma vie est contenue dans la réponse précédente.

Teub

- Qu’est-ce qui, selon toi, fait la spécificité de ton style ? On sent bien des influences (revendiquées ?) à chercher du côté de Topor pour l’imaginaire ? mais quelle est véritablement la « patte » Faucompré ?

  Même si je n’aime pas trop parler de « style » à proprement dit ; mes intentions graphiques se caractérisent, à mon avis, par un trait plutôt souple, limpide, proche de ce que l’on nomme « la ligne claire », avec, concernant la couleur, des teintes plutôt douces (aquarelles, aplats pastel) qui permettent de trancher avec l’agressivité ou la crudité du propos. Je veux qu’il y est friction. J’aime jouer avec les règles visuelles de la même manière que l’on peut jouer avec les mots.
Il est certain qu’il y a une communauté d’esprit avec des dessinateurs comme Topor.
Je pense aussi que le fait d’avoir fréquenté, étant petit, le milieu du théâtre et de ce que l’on a appelé par la suite « le nouveau cirque » (Cirque Plume, Royal de Luxe, etc.) m’a considérablement influencé concernant mon intérêt pour le jeu avec les corps, les provocations visuelles, les situations décalées, absurdes.

Main

- Ton plus grand souvenir de dessinateur ? Participes-tu à des salons ?

  Je n’ai pas vraiment l’habitude de participer à des salons. J’ai plutôt tendance à fuir ce genre de rassemblement où l’on s’auto-congratule allégrement ; que ce soit dans le milieu de l’art contemporain, de la bande dessinée ou de la littérature. Le Festival Plouc de bande dessinée qu’organise chaque année Alex Barbier et sa femme Aline dans les Pyrénées orientales est le seul festival auquel j’adhère sans hésiter. C’est un festival que l’on peut rapprocher avec celui qu’organise, dans le domaine musical, Bernard Lubat à Uzeste.

Moignons

- Les Pieds Nickelés, Spirou, Sambre, L’incal ou Jimmy Corrigan ?

Plutôt Pieds Nickelés / Jimmy Corrigan que Spirou / Sambre.
Concernant la bande dessinée, et parmi les anciens, Winsor Mac Cay (Little Nemo) et Rodolphe Töpffer(Monsieur Jabot, Docteur Festus, Monsieur Cryptogame) m’ont toujours fasciné. Vers l’âge de 10/12 ans, j’ai découvert Reiser, Tardi, et l’inventeur de la macro-rhino épistémologie : Francis Masse.
Ensuite avec l’arrivée d’auteurs / éditeurs comme Cornélius (Blex Bolex, Blanquet, Clowes, Burns...), Fréon (Thierry Van Hasselt, Alex Barbier, Frederic Coché...), Le Dernier Cri ( Bolino, Sury, Moulinex, Atack...), L’Association (Killofer, J. C Menu, David B...), Les Requins Marteaux (Winschlus & Cizo, Placid, Danny Steve...), et Amok (Alagbé, Raùl, Rabaté...), la bande dessinée est devenue, alors qu’elle commençait à se confiner dans l’académisme, un terrain d’expérimentation plutôt jubilatoire.

- La bande dessinée se prend-t-elle par la bande ? Le phylactère est-il toujours une insulte ?

  On est en pleine deconstruction / restructuration de la bande dessinée. Les differents principes narratifs sont remis en cause.
L’OuBaPo ( ouvroir de bande dessinée potentielle ) mène la danse. Les doubles lectures, les absences de cases, l’écriture automatique, les constructions palindromiques, s’immiscent dans l’aventure.
Les différentes approches picturales ( collages, peintures, photographies, gravures ) ainsi que la BD reportage, l’introspection autobiographique et des sujets comme l’homosexualité, la pédophilie, l’inceste, sont abordés et utilisés depuis peu de façon subtile dans la bande dessinée.
Cependant, je pense quand même qu’il y a trop d’auteurs qui se précipitent de manière systématique dans l’autobiographie avec le risque de tomber dans des états d’âmes prétentieux.
Heureusement, Killofer, Anna Sommer, Poincelet, Debbie Drechler, sauvent la mise. Concernant mon travail en matière de bande dessinée ( cela ne vaut pas pour mes dessins ) je pars souvent de l’interprétation de rêves que je note scrupuleusement le matin.
Ils me servent de base, je m’amuse ensuite à les imbriquer les uns dans les autres.

- Dormir éveillé sur une feuille blanche, est-cela dessiner ?

  Topor disait justement que se rappeler des rêves que l’on a fait la nuit, cela peut rapporter gros le jour.

- Tes dernières productions ? Tes projets ?

  Je viens de terminer une série de dessins autour de Guillaume Tell et de son fils intitulée " La sixième pomme ".
C’est une mise en abîme d’un texte de Filiou ( " la cinquième pomme ou le principe de non-comparaison" )qui était lui-même le prolongement d’un texte de Charles Fourier ou il était question de 4 pommes ( pomme d’Adam, pomme de Newton ... ).
Tous les deux ne mentionnaient pas la pomme posée sur la tête du fils de Guillaume Tell , d’où le titre de cette variation dessinée.
La pomme n’étant jamais là ou elle devrait être.
Parmi ces projets, il y a plusieurs livres, des illustrations de textes ( avec Ernestine Chasseboeuf ), un film d’animation collectif avec Paquito Bolino , etc ....

Philippe Krebs

P.S.

Images extraites de L’horizon des orifices, éditions Dernier Cri

Bibliographie :

RECUEIL DE DESSINS :

   Le petit garçon et la merde. 1999.

   L’oraison des orifices. (Éd. Le dernier cri.2003).

   La sixième pomme. (Éd. MeMo. À paraître Novembre 2003).

ILLUSTRATIONS, DIVERS :

   Le Brisset sans peine de Jean-Pierre BRISSET. (Textes choisis et adaptés par Gilles Rosière, notice biographique de Marc Décimo).(Éd. Deleatur.2001).

   Aper d maît d dict de Jean-Pierre BRISSET. (Éd. Le paréiasaure théromorphe. 2001).

   Création de la revue Moufle. (2001. 1 numéro).

   Le glossaire du patois des troglodytes-du-dessous d’Ernestine CHASSEBOEUF. (Éd. Deleatur.2002).

   Création de la revue Floume. (2002. 1 numéro).

   Création de la revue Un moment d’inattention. (2002. 2 numéros parus).

   Création de la revue Ufemol. (2003. 1 numéro).

   Ernestine écrit partout. Volume 1 des lettres d’Ernestine CHASSEBOEUF. (Éd. Ginkgo. 2003).

Dessins dans Ferraille, Charlie Hebdo, Hôpital Brut.