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Accueil Webzine Art Le mardi 4 septembre 2007 |
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Sébastien Gouju. Œuvres. 2001-2007. par François Coadou,
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Les œuvres de Sébastien Gouju proposent au spectateur le trouble délicat d’expériences perceptives. Elles se jouent et prennent en défaut quelques automatismes, quelques mécanismes de notre appréhension de ce qui fait réel, de notre rapport au monde, produits de culture, fruits d’apprentissage, et devenus contraignants, pourtant, envahissants comme une seconde nature à force d’habitude. Prenons pour commencer Les Soldats, œuvre de 2007, et œuvre parmi les plus représentatives, peut être, de son travail. Ce sont des soldats de plomb, cloués au sol, installés dans l’espace, dans le déploiement d’un mouvement de troupe. Ils portent chacun une feuille, sur la tête, comme un camouflage, qui les dissimule d’abord à l’œil du spectateur. Celui-ci, lorsqu’il les appréhende, au premier aspect, de haut, n’apercevra là en effet que des feuilles. Mais sa vue lui joue des tours. Car c’est bien elle, la vue, qui se trouve ici mise en jeu. La vue ou, pour le dire plus précisément, le point de vue : ce qu’il révèle du réel et ce qu’en même temps il en occulte. Vieille question philosophique, comme on sait, depuis Lucrèce jusqu’à Descartes et au-delà. Mais plus encore, ce n’est pas seulement la vue, ce n’est pas seulement le point de vue, c’est aussi tout le déplacement corporel du spectateur qui se trouve ici impliqué. Car pour saisir vraiment la pièce, ou l’installation, pour comprendre que le camouflage n’est que camouflage, et pour aller au-delà, il faut s’en approcher, tourner autour, faire varier le point de vue, se baisser. Il faut, pour ainsi dire, se mettre au niveau de l’enfant qu’on était et qui jouait jadis avec les soldats de plomb. Les Soldats de Sébastien Gouju déjouent nos habitudes de surplomb. Ils font signe vers un autrement qui est surtout un avant : avant qu’on ait pris l’habitude d’appréhender le monde de haut. On comprend, sans que j’aie besoin de beaucoup m’y arrêter, que ce type de réflexion, sur la perception, rattache le travail de Sébastien Gouju à la tradition - du moins en partie - du minimalisme, du Bauhaus ou du constructivisme, modernité, d’ailleurs, dont c’est volontiers qu’il se réclame. À côté des références déjà indiquées, on y trouve aussi, et curieusement peut-être, une référence indiscutable à l’art pop. De sorte qu’on pourrait, s’il fallait plus précisément qualifier le travail de Sébastien Gouju, parler de minimalisme pop. Au sens, à tout le moins, où ses œuvres présentent l’hybridation de caractères propres à l’un et l’autre de ces courants. Le figuratif, en effet, ne devient jamais, chez Sébastien Gouju, de l’illustratif ou du narratif. Ce serait, selon lui, soumettre le plastique à un régime de discours qui en diffère aussi bien quant à ses tenants qu’à ses aboutissants. Ce serait, selon lui, en nier la spécificité. Spécificité ou irréductibilité d’autant plus importante, peut-être, à défendre en contexte. Au rebours du publicitaire, ou du propagandiste, qui tant contamine l’art aujourd’hui, les œuvres de Sébastien Gouju s’obstinent en effet à éviter tout bavardage, porte ouverte, selon lui, à leur récupération, normalisation, dissolution. Au rebours de la rumeur contemporaine - et du cœur même de celle-ci : l’image - les œuvres de Sébastien Gouju s’obstinent à demeurer en quelque sorte muettes. Sébastien Gouju joue. Il joue de la séduction, de la sensualité (certes très esthétique) que ses œuvres proposent pour ouvrir (et ce d’autant mieux, peut être, que si elles étaient d’abord sévères) l’espace d’une réflexion qu’on pourrait qualifier d’immanente, d’une réflexion sensible sur notre rapport au réel. Est-ce un hasard, d’ailleurs, si nombre de ses œuvres évoquent, ou reprennent, comme on y a déjà fait allusion, des éléments liés à l’enfance ? C’est la période, après tout, où l’on expérimente le plus, ne serait-ce que dans le jeu des échelles, ce rapport au réel ; c’est le temps où l’on découvre encore, dans l’éblouissement inquiet de la nouveauté, ce qui pour nous plus tard, mais plus tard seulement, dans le tissu serré des habitudes, fera monde. Avec une légèreté de ton, comme sans avoir l’air d’y toucher, et avec une élégance de moyens pour lesquelles on ne peut qu’être reconnaissant, les œuvres de Sébastien Gouju nous ouvrent au pressentiment d’un retour pourtant condamné à demeurer impossible, à la splendeur de ce matin improbable de l’existence, avant que le monde ne devienne monde. François Coadou Sébastien Gouju est né en 1978 à Nancy.
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François Coadou est Philosophe. Il enseigne l’Histoire de l’Art à l’École Supérieure d’Art de Toulon-Provence-Méditerranée. Il est l’auteur de textes consacrés à la littérature, à la musique et aux arts plastiques, textes où se croisent, de manière récurrente, les thèmes de l’art, du religieux et du politique. Dernières publications : L’inquiétude de la matière Bruno Schulz (Semiose, 2007), Le Livre des Taxes (Semiose, 2007).
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