LA LITTERATURE ET LA LOI
JOUR 22 - BABEL HEUREUSE
SECTION B-3. "Le réel halluciné, le substrat"


par Valérian Lallement,    

 

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LA PRATIQUE COMBINATOIRE TEXTUELLE produit une accumulation de matériaux notationnels qui forme le substrat de l’oeuvre - et qui, originellement, jaillit sous la forme du texte sauvage. Substrat qui est à la fois le résultat de la pratique combinatoire et, à travers cette pratique, l’origine de l’œuvre. Il faut y insister, pratiquement, la combinaison des niveaux du texte produit le substrat, qui va lui-même produire, à la faveur d’une écriture qui se veut scientifique, l’œuvre. Le substrat est le résultat d’un nouveau mode de représentation - en tant que tel, il s’oppose au référent et, à la fois, l’intègre : « Samora Machel  : le choix entre la localisation, l’Algérie hallucinée, et la délocalisation » . Dans la transformation du réel - biographique, historique, ethnologique, fantasmatique, théorique, etc. - en quoi il consiste il occupe structurellement la place du référent. Mais il s’oppose en même temps à celui-ci dans la mesure où il n’est pas limité, ni ne délimite un lieu représentable, mais tend à l’exhaustivité. Illimitation du texte autorisée, paradoxalement, par une pratique notationnelle qui laisse figurer les blancs de la langue au lieu même du texte de note : « [...] façon de procéder pour les notes : noter l’idée et laisser blanc pour développer [...] » . De ces trous laissés sur la page, qui sont comme l’image inversée, physique, des blancs que la langue occasionne, et qui figure dans le texte matrice de Prostitution sous la forme de l’astérisque , le recours sera systématisé dans la pratique combinatoire : « Ce système d’astérisque ***. Comme, en dessin ou en peinture, les lignes contiennent tel membre, tel objet, telle scène même, « visible » du peintre seul » . Refus de lier - et donc de limiter, de délimiter - ce qui ne peut se lier qu’à la faveur de sa disparition, refus d’articuler des éléments du réel dont l’articulation consiste à substituer le plein au vide, refus, en somme, de représenter ce qui ne se donne comme immédiatement représentable qu’à la faveur d’une déformation, qui est la condition de la prolifération du texte. Outre les réseaux de discours que la combinatoire textuelle tisse, la « prolifération des images préparatoires » : « Tout ce que je vois, sens , touche, entend ici et ailleurs, sert à vêtir, orner, embaumer, enduire les putains du Texte  » , qui forme la matière du substrat, et qui, à cause de cette prolifération ne forme plus un matériel représentable (« de tant fort écrire que cendre de père, cendre de mère mêlées sous nos pieds [...]  » (P, 32)), provoque une hallucination du réel - qui en retour se combine dans une scientificité du texte. Origine impossible du texte, et qui forme comme l’expérience pratique, linguistique, au niveau de la représentation de la résistance théorique de l’expérience à la langue : « [...] origine de mon texte : non seulement une visualisation hallucinatoire du « concret », mais aussi, et surtout, une « sensorialisation » hallucinatoire ou articulations ou rapports dialectiques élémentaires (reçus hallucinatoirement au niveau de leur signifié et, surtout, de leur signifiant) - quelques « slogans » portés à incandescences » . Le substrat est donc un réel foisonnant, volontairement halluciné - que la pratique combinatoire a pour objet d’halluciner. Afflux d’image, « paquet de voix » qui « encombre la gorge, donc provoque l’angoisse (angoisse proche de celle, pré-masturbatoire, où l’apostrophe prostitutionnelle, en masse muette, s’exhale en « nausées sèches ») [...], celle-ci [...] s’effaçant à l’inscription du texte » (LI, 126). Angoisse qui n’a pas de nom, voix inarticulée, qui n’est pas un contenu, et qui ne peut donc s’articuler dans une représentation, mais qui figure à la fois la manifestation du refoulé et la nécessité de l’expurger dans un « texte-limite » : « Il y a en moi [...] adéquation (ce qui ne veut pas dire, du reste, lutte aussi) entre les différents éléments qui me composent : mémoire, mental, organisme, pathologie, etc. Et ce mouvement irrésistible, et pour le moment contrôlable, des différents niveaux les uns vers les autres, est finalement le nœud du texte. C’est le surgissement incessant du refoulé - et plus on expulse, plus il y en a - refoulé par ailleurs collectif, c’est-à-dire social, qui produit ce texte-limite » (LI, 45). En ce sens la combinatoire textuelle a contradictoirement pour objet de provoquer ce réel halluciné (le substrat) et de le faire figurer dans le texte, c’est-à-dire de le maîtriser. Risque « pour le moment contrôlable » de cette pratique (« L’obsession de l’exhaustivité m’empêcherait presque d’écrire » ), volontairement encouru, où l’œuvre ne s’écrit qu’au risque de se perdre : « Le risque, consenti, de ne rien « vouloir », « projeter », etc., mais de laisser le temps et les événements, extérieurs et intérieurs, faire bouger, évoluer le faire fictionnel » . Le substrat, tel qu’il est donné comme résultat de la combinatoire, empêche d’une part les formations substitutives de type névrotique - la représentation, telle qu’elle est autorisée par la loi - et, d’autre part, tel qu’il est conjugué aux autres niveaux du texte empêche, ou expurge, les formations psychotiques - en quoi pourrait consister originellement le texte sauvage - qui forment la menace d’une impossibilité de l’œuvre.

 



Valérian Lallement

Né le 12 juillet 1972 à la Maternité Pinard, à Nancy, il est prédestiné. Professeur en désinhibition cataclysmique, alcoolique sur le retour, polytoxicomane militant, pervers oligomorphe et raisonné, surfeur débutant, Valérian Lallement est aussi l’auteur d’une thèse de Littérature Française sur Pierre Guyotat, la littérature, et la loi. Rédacteur en chef du numéro 8 de la revue Hermaphrodite, con-sacré à la Porno(graphie). Co-fondateur des éditions du même nom. S’est fait appeler, un temps, Valérian le Triomphant. Se méfie des rebelles comme des collabos, des militants comme des prosélytes : ne rien accepter, n’est pas tout refuser : le Triomphant sait bien cela.

 




 

 

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