Entretien poétique
Saïd Haddar aka Saïdem a rejoint les étoiles
Saïdem : " La poésie est un crachat "


par Jean-Sébastien Gallaire,    

 

DANS LA MEME RUBRIQUE :

Saïd Haddar aka Saïdem a rejoint les étoiles
Première édition du « Festival de l’invisible »
Le poète et l’égout
COPYRIGHT
« Le poète est-il utile à la cité ? »
Architecture du mur
Avec ma gueule de métèque
Nadja ou l’âme errante
L’Attentat Poétique du 11/09/03


 

Poète écorché vif, remuant et drôle, il incarnait la vie farouchement chevillée au corps, Saïdem vient de nous quitter. Il avait produit quatre textes sur le site Hermaphrodite. Nous l’en remercions et lui souhaitons la paix et le repos qu’il mérite. Saïdem, nous t’embrassons fort.

Les éditions Hermaphrodite

Te considères-tu comme un poète ?

La poésie, je l’ai en moi.
C’est un lien entre le visuel et l’apparence physique. Le poète, c’est quelqu’un qui a besoin de dire des choses et qui ne peut les dire que par la poésie. Les poètes, ce sont des revendicateurs. Ce sont les premiers à avoir lutté.
Si tu veux cracher à la gueule des gens, t’es obligé d’être un poète. Le crachat, c’est le symbole de l’expression créatrice et de la destruction.
La poésie, c’est le crachat.

La poésie peut-elle être vécue ?

J’ai vécu beaucoup de poésie, je la vis tout le temps. Je n’ai pas laissé beaucoup de traces. Les seules, ce sont mes poésies.
La poésie, on n’en vit pas, on en meurt...

Comment peut-on mourir de poésie ?

A la longue...
Ca fait peur, les poètes, alors on en a créé d’autres genres : ceux qui n’ont pas vécu la poésie.
Les vrais poètes n’ont jamais existé.
C’est pas un boulot d’être un poète. C’est un crachat.

Je n’ai pas vu assez tôt que la poésie, c’était ma destinée. J’ai vraiment rien vu, moi... Je ne suis que l’étincelle du brasier que j’aurais pu être.
J’ai écrit des choses que j’ai vécues. Grâce à la poésie et à son écriture, j’ai fait ma propre thérapie et suis devenu quelqu’un d’autre. Je suis devenu ce que j’étais en sortant de ce que j’étais, de ma souffrance. C’est à partir de là que je suis devenu un poète.
La poésie, elle appartient à la souffrance.

Comment écris-tu ?

Généralement, d’un seul jet. Avant, j’écrivais pour être poète. Et j’ai merdé complètement : j’ai fait de la recherche avec les mots, c’était bancal.

Qu’évoquent tes poèmes ?

La maladie, la dépendance ( l’alcool, la drogue... ).

.. et l’indépendance ?

Je ne connais pas ce mot. On est obligés d’être accroché à quelque chose. A rien. A tout. A rien quand j’ai tout. A tout quand j’ai rien. Non : à tout quand je voudrais avoir plus...

Tu penses ne jamais arrêter d’écrire ?

Je me suis arrêté depuis que je me suis mis à peindre. Pour l’instant, je suis focalisé là-dessus. Avant, je rentrais chez les gens par effraction, au pied de biche. Maintenant, je leur vends un tableau et je rentre chez eux...

Quel est ton rapport aux mots ?

J’aime tous les mots. J’aime surtout quand ils sont employés à bon escient.
C’est pas le mot, c’est la façon. La façon dont ils sont employés. C’est pour cela que l’on se sert des mots, pour les rendre aussi beaux. C’est ça la poésie.
Il n’y a pas de mots. Ca ne peut pas être vrai. Il n’y a pas un mot, il y a tous les mots.
Si je m’exprime, je crache, pour ma créativité, ma destruction. Ma gêne. Ma peine.

La bouffe, le fromage, c’est hyper poétique. Quand tu fais ça, tu t’offres de la poésie. Et moi je suis heureux.

Il me propose un verre de vin rouge et une tranche de saucisson lorrain. L’entretien s’achève.

Les gens à l’abri de tout,
un bunker à l’âme,
fermé votre coeur, je me damne.
Je n’ai rien, que mes mains pour voler,
avec elles je prends les ailes
et je vogue au-delà des nuages,
au-dessus de vos caches.
J’entends vos cris, les pleurs des femmes
se mélangent aux bruits de la nuit
dans la chaumière pleine de lumière.
La chaleur du décor d’un mois de décembre
réchauffe la pièce qui tombe
dans l’obole du mendiant,
celui qui n’a pas eu de bol,
le sans-abri un peu fou.
Où se diriger pour ne pas se faire prendre ?
Pris au piège des gens qui veulent te pendre,
maintenant tu vis où ?
Quel malheur de vivre sans femme,
sécher leurs pleurs et tu rames,
je sais bien que tu n’y es pour rien,
c’est ta destinée,
le miel est protégé des abeilles,
ce sont les dogs qui protègent ces mirages.
Les gens à l’abri de nous,
sans pleurs ni flammes,
armés de rancoeur dans la trame de mon histoire,
sortent le soir, se rasent le crâne et friment
à la cime du haut de crâne rasé,
les fachos se lèvent tôt.

Saïdem

Photo Philippe Krebs - 10.9 ko
Photo Philippe Krebs
"La mort est une esquisse toujours à retravailler."

 



Jean-Sébastien Gallaire

S’affichant très tôt comme le quatrième luron des Pieds Nickelés, puis nourri au suc amer des lectures de Michel Leiris, René Char, Francis Ponge ou encore Georges Perros, Jean-Sébastien Gallaire, dadaïste sur son cheval, propriétaire de châteaux en Espagne, oulipien hasardeux, des cothurnes aux pieds mirées par un regard d’esbrouffe, a choisi (considérant l’écriture comme la seule forme de présence possible) de privilégier la forme fragmentaire afin d’interroger le monde et les rapports qu’entretiennent avec lui les moulins à vent et autres pelures d’oranges de la poésie.
Il s’y met en scène, à nu, à hue et à dia, comme un Monsieur Loyal régisseur de son propre spectacle.
Certains de ses textes sont parus dans les revues La page blanche, Bordel ou encore Art le Sabord.

Il est le créateur et l’administrateur du site Michel Leiris auquel il a consacré une thèse de doctorat.
Il est le fondateur des Cahiers Leiris et le cofondateur des Editions mouvement fix.

 




 

 

En Résumé Plan du Site Le Collectif La Rédaction Contact Catalogue Lettre d’Information
Textes & illustrations sous COPYRIGHT de leurs auteurs.